Dans certains pays et cultures, les termes “joint venture” ou “JV” et “consortium” peuvent être utilisés comme synonymes. Pour les besoins de cet article, nous adopterons la différenciation habituelle entre les deux, telle qu’observée au cours des dernières décennies dans les secteurs de la construction, des infrastructures, du pétrole et du gaz, de l’électricité et des énergies renouvelables.

Un consortium et une coentreprise (joint venture) sont des moyens permettant à deux ou plusieurs parties d’unir leurs forces et de participer à un appel d’offres. Et, en cas de succès, ils exécuteront ensemble le contrat. Grâce à la “responsabilité solidaire”, l’employeur n’est pas moins bien loti que de traiter avec un seul entrepreneur. En fait, cela signifie que l’employeur peut s’adresser à l’un ou l’autre ou aux deux pour l’exécution du contrat ou le recouvrement de dommages et intérêts. L’employeur est donc dans une meilleure position, répartissant le risque d’exécution sur deux ou plusieurs entreprises.

Compte tenu de ce qui précède, peut-on supposer qu’un consortium et une JV incorporée sont plus ou moins pareils ?

Vérifions cela en examinant les faits. La liste est un peu plus longue que prévu avec 12 points de comparaison. Mais, je crois que cela nous aidera à bien comprendre les implications de l’une ou l’autre solution.

1) Répartition de l’étendue des travaux

Les JV/coentreprises sont souvent utilisées par des parties qui ont les compétences nécessaires pour exécuter l’ensemble des travaux par leurs propres moyens. Cependant, le projet est perçu comme trop grand ou trop risqué pour y aller seul. Dans une JV, il n’est pas nécessaire d’attribuer les tâches à des parties spécifiques dès le début du projet.

Le consortium a besoin d’une répartition claire des tâches entre les parties. Il faut veiller à ce que rien ne tombe entre les champs respectifs des partenaires du consortium. Collectivement, ils sont évidemment responsables de l’ensemble du périmètre (tout le chantier) vis-à-vis du maître d’ouvrage. Le périmètre de chaque partie sera établi au moment de la conclusion de l’accord de consortium (ou peu après). Sur cette base, ils prépareront chacun leur part de l’offre conjointe.

2) Pourcentage des membres d’une JV ou d’un consortium

Souvent, les employeurs demandent aux entrepreneurs quelle est la participation de chaque partie au projet.

Cette question semble tout à fait naturelle pour les partenaires de la JV. Ils donneront facilement les précisions sur leur participation : 50/50 ou 60/40 ou 40/30/30, etc. Les chiffres sont ronds et restent constants tout au long de l’exécution du projet, de la signature de l’accord de joint-venture à la conclusion du projet. Les chiffres correspondent à la participation de chaque membre à la coentreprise, y compris les capitaux propres (le cas échéant).

Pour les partenaires consortiaux, les choses ne sont pas si simples. Comme expliqué ci-dessus, le principal paramètre pour les partenaires est la portée de leurs travaux. Au début, les parties n’ont qu’une idée approximative de la part que représentera leur portée dans le prix global du contrat. Lors de la présentation de l’offre conjointe, la part proportionnelle de chaque partie sera connue : il s’agit du pourcentage de son prix dans le prix global. Cette part proportionnelle variera au cours du projet en raison des ordres de modification qui sont inévitables, de la hausse des prix (le cas échéant) et des réclamations acceptées.

3) Affectation des ressources

Une JV mettra sur pied et composera toute une équipe de projet comprenant même les fonctions de support telles que les ressources humaines. L’entreprise commune “emprunte” en quelque sorte des ressources aux partenaires ou à des tiers.

Dans un consortium, chaque partie utilise ses ressources existantes pour exécuter ses travaux. Il est possible de puiser dans son bassin de ressources actuelles sans avoir besoin de l’approbation de l’autre partie.

Le personnel d’une coentreprise/JV est plus susceptible d’avoir une approche “projet” et s’identifiera naturellement à la performance et aux résultats du projet. Le personnel d’un consortium travaille souvent au sein d’une structure matricielle. En effet, ces personnes rendent compte en partie au chef de projet et en partie à leur chef de fonction (p. ex. ingénierie, sourcing, etc.) Par conséquent, et malheureusement, elles ont probablement moins l’esprit “projet”.

4) Partage des risques

Les JV sont généralement choisies par les entrepreneurs civils pour partager les risques d’un projet. De toute évidence, les risques ne sont pas attribués à des partenaires individuels, mais assumés par l’entreprise commune.

Dans un consortium, la répartition des risques va de pair avec l’étendue des travaux. Par exemple, un partenaire du consortium peut être responsable de la fourniture de certains équipements soumis à des tests de performance. Les pénalités de performance correspondantes sont alors entièrement supportées par cette partie. Évidemment, les choses se compliquent lorsque la portée de plusieurs partenaires influence de manière interdépendante les performances globales du projet. Dans ce cas, dans l’accord de consortium, des règles précises d’attribution des pénalités de performance doivent être établies.

Ainsi, les partenaires du consortium ne partagent en général pas les risques, mais les attribuent à une partie spécifique. Une exception concerne le partage des pénalités de retard qui dépassent le plafond en % appliqué à la part proportionnelle d’une partie. Ces “pénalités pour retard extrême” sont souvent attribuées en proportion de la part des parties.

5) Partage des pertes et profits

Sur la base de tout ce qui précède, on peut deviner que le partage des
pertes et profits est également très différent pour les deux solutions :

Dans le cas d’une JV, les parties se partagent le bénéfice (ou la perte) en fonction de leur participation dans la JV.

Au sein d’un consortium, le profit ou la perte potentiels dépendent de la performance de la partie concernée quant à sa portée. Le bénéfice réel n’est pas connu par l’autre partenaire. Une partie peut être à perte tandis que l’autre fait des profits et n’a pas à compenser la première.

6) Partage des coûts

En raison de la structure de l’entreprise commune, celle-ci assume tous les coûts et, par conséquent, les parties partagent automatiquement les coûts.

Dans un consortium, les parties peuvent convenir d’avoir des coûts communs (par exemple pour l’assurance) et sont susceptibles de les partager en fonction de leur part proportionnelle. Toutefois, en raison de la nécessité de garder les parties “sans lien de dépendance” pour des raisons de clarté sur le plan fiscal, les partenaires du consortium tentent d’éviter le partage des coûts et préfèrent attribuer les coûts à une partie spécifique. Par exemple, par le passé, les membres du consortium avaient l’habitude de provisionner, disons 2 % de leur prix, comme honoraires du chef du consortium. De nos jours, la solution privilégiée est que le chef de file du consortium provisionne ses coûts de leadership (et fixe son prix en conséquence). Ceci permet d’éviter la facturation entre les partenaires du consortium, ce qui n’est pas favorable à la clarté fiscale en ce qui concerne la séparation des profits et des pertes.

7) Détermination du prix

Les partenaires de la JV fixent conjointement le prix de l’offre. Ensemble, ils établissent le budget du projet, les provisions et la marge qui en résulte pour le projet.

Dans un consortium, chaque partie a tout le pouvoir de décider de son prix, de ses provisions et de sa marge respective. En additionnant les prix, les parties se rendent souvent compte que le résultat n’est pas concurrentiel. C’est particulièrement vrai lorsqu’ils ressentent un risque sur leur partenaire et qu’ils s’en prémunissent. Ensuite, ils commencent à se pousser l’un l’autre pour abaisser le prix et augmenter la probabilité de se voir attribuer un contrat. Mais ils n’ont qu’un pouvoir de persuasion pour influencer l’autre ou les autres partenaires.

8) Pouvoir de décision

Dans une coentreprise/JV, le directeur de projet désigné peut agir avec une certaine autonomie pour faire du projet un succès.

Dans un consortium, chaque partie a son propre chef de projet. Ensemble, ils choisissent un leader, juste pour coordonner et incarner un interlocuteur unique auprès du client. Habituellement, c’est la partie ayant la plus grande portée qui devient le leader. Le leader ne peut lier les parties sans l’accord préalable de tous. Ce n’est que dans des cas très exceptionnels que le leader peut agir immédiatement. Il doit le faire en toute impartialité et uniquement pour préserver les droits du consortium ou pour éviter des dommages imminents. Cela peut s’appliquer à une situation d’urgence liée à la santé et à la sécurité ou à des dommages environnementaux.

Il est important que l’employeur comprenne les limites du pouvoir du leader du consortium. L’employeur ne devrait pas exiger des réponses immédiates lorsque le leader du consortium n’a pas les autorisations et que son partenaire est absent. Parvenir à un accord sur le champ le mettrait en violation de l’accord de consortium. Cela entraînera des conflits subséquents au sein du consortium et pourrait se retourner contre l’employeur.

9) Entité légale ou non

Une JV/coentreprise constituée en société est effectivement une nouvelle entité juridique, bien que temporaire, créée par les parties pour exécuter ce projet spécifique.

Dans le cas d’un consortium, aucune nouvelle entité juridique n’est créée. Il s’agit simplement d’une entente contractuelle pour deux entités existantes (ou plus) de travailler ensemble sur ce projet.

10) Facturation et paiements

Le point précédent devrait clarifier une chose : un consortium ne peut pas facturer. Les entités sous-jacentes, qui sont les partenaires du consortium, doivent chacune facturer les progrès réalisés sur leur périmètre respectif. Généralement, les parties fournissent une lettre de couverture résumant les factures sous-jacentes. Techniquement parlant, cette lettre de couverture n’est pas une facture. J’ai vu de nombreux représentants d’employeurs s’opposer à des factures multiples, mais… il n’y a pas d’autre solution. Une JV n’a pas ce problème.

L’entreprise commune aura son propre compte bancaire. Dans le cas d’un consortium, les parties pourraient identifier un seul compte bancaire et redistribuer les fonds en fonction de leurs factures. Cependant, un employeur peut être pragmatique et accepter de payer directement sur les comptes bancaires de chacun des partenaires du consortium. Avec la responsabilité solidaire, cela n’entraîne pas d’exposition supplémentaire et facilitera la vie de tous les contractants (car l’argent sera disponible plus rapidement et sans perte de temps pour les parties par les virements bancaires en plus).

11) Comptabilité et fiscalité

Une JV incorporée aura sa propre comptabilité et s’occupera du paiement des taxes pour l’ensemble du projet. Celles-ci auront une incidence directe sur les résultats du projet et, par conséquent, sur la répartition des bénéfices (ou des pertes) entre les parties.

Pour un consortium, chaque partie gère sa propre comptabilité et ses propres impôts. La rédaction typique dans un accord de consortium est la suivante : “Chaque partie est entièrement et exclusivement responsable du paiement de tous ses impôts, taxes, droits, cotisations de sécurité sociale et charges similaires (y compris les pénalités et intérêts) de quelque nature que ce soit prélevés en rapport avec son périmètre, ou concernant son personnel ou celui des sous-traitants, et effectue tous dépôts, toutes immatriculations et autres obligations nécessaires envers les autorités fiscales concernées en la matière”

12) Inexécution par l’entrepreneur ou l’une des parties

Comme mentionné ci-dessus, les partenaires du consortium sont conjointement et solidairement responsables envers l’employeur. L’employeur peut faire appel directement à chacune des entités existantes ayant signé le contrat.

Dans le cas d’une JV, les employeurs doivent vérifier leur recours aux entités sous-jacentes. Les garanties de la maison-mère peuvent apporter des précisions à ce sujet. Si tel n’est pas le cas, cette configuration pourrait être beaucoup plus risquée pour l’employeur en cas d’insolvabilité de la coentreprise.

Si l’une des parties est défaillante, l’autre partie au consortium ou le ou les partenaires de la JV doivent trouver une entité de remplacement. Ou bien exécuter l’ensemble des travaux par ses propres moyens. Au moins un point de convergence du point de vue des entrepreneurs !

Conclusions

Du point de vue de l’employeur, il n’y a peut-être pas de grande différence entre une coentreprise et un consortium. Cependant, le mode de fonctionnement est totalement différent pour ces deux solutions. Ces divergences doivent être comprises tant par l’employeur que par les entrepreneurs. Pour l’employeur, cela favorise la compréhension du comportement de l’entrepreneur. Pour les entités contractantes, chaque aspect de leur relation dépend du montage : prix, marge, périmètre, pénalités forfaitaires, facturation, etc.

Il est possible de faire le meilleur choix entre l’une ou l’autre solution en se basant sur ce qui suit :

  • Consortium : Chaque partie sait réaliser une partie déterminée des travaux, mais pas la partie des partenaires. Par manque de connaissance, ils redoutent les risques sur le périmètre du partenaire et veulent s’en isoler. Par exemple, sur une centrale électrique, l’entrepreneur en travaux publics et l’entrepreneur en électromécanique travaillent généralement en consortium.
  • Joint Venture : Les parties veulent partager les risques et exécuter le projet par le biais d’une organisation commune. C’est la façon typique de collaboration entre deux entrepreneurs de travaux de génie civil.

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1 commentaire

Une année de blog sur la gestion des contrats par AfiTaC - AfiTaC.com · 4 avril 2019 à 8 h 06 min

[…] Consortium ou joint-venture : pareil ou très différent ? […]

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