Au sein des équipes de négociation, on entend souvent l’affirmation selon laquelle “l’autre partie est déraisonnable”.

Est-ce que c’est :

  • une malheureuse réalité dans les négociations commerciales, car les contreparties sont souvent déraisonnables ?
  • une déclaration juste pour laisser la vapeur s’échapper alors que, pour vrai dire, vous comprenez votre homologue ?
  • une bonne part de scepticisme quant aux intentions de votre homologue pour rester concentré sur les intérêts de votre entreprise ?

En tant que négociateur principal ou mentor d’une équipe de négociation, comment devez-vous réagir lorsque des membres de votre équipe (ou vous-même) disent cela ? Dans ce bref article, nous allons examiner le contexte, les raisons et les conséquences potentielles d’une telle déclaration.

Contexte de la négociation

Sauf si cela fait partie de stratégies de négociation agressives (nous y reviendrons plus tard), les parties sont véritablement convaincues que LEUR position est raisonnable. Mais … les DEUX parties ont cette conviction … et les positions peuvent quand même être très éloignées l’une de l’autre.

Un exemple : un maître d’ouvrage peut être convaincu que l’entrepreneur (qu’il a soigneusement sélectionné pour construire un projet) doit rester ENTIÈREMENT responsable. Et cela aussi lorsque les choses vont fondamentalement mal (c’est-à-dire lorsque les dommages sont élevés par rapport au montant du contrat). L’entrepreneur peut considérer que, tout en travaillant dur pour tirer une petite marge d’un projet, il est déraisonnable de s’exposer à des dommages et intérêts ILLIMITÉS.

Par nature, les négociations (commerciales) sont des situations :

  • où il y a des écarts entre les parties,
  • où un-peu-plus-pour-un est perçu comme moins-pour-l’autre,
  • où les positions de votre homologue peuvent être considérées comme des obstacles à votre réussite.

Dans 95% des cas, ne dites pas que l’autre partie est déraisonnable.

En tant que négociateur principal (ou mentor supervisant une équipe de négociation), vous ne devez pas faire de déclarations sur le caractère déraisonnable des positions de votre interlocuteur. Vous ne devez pas non plus laisser les autres membres de l’équipe faire de telles déclarations sans réagir.

Les conséquences de considérer (à tort) votre homologue comme déraisonnable sont très importantes :

  •  Cela stimule votre équipe à adopter des stratégies défensives ou, pire, à faire des contre-propositions déraisonnables.
  • Vous pouvez dire – ou montrer – à votre homologue que vous pensez qu’il/elle est déraisonnable(e). Votre interlocuteur peut percevoir cela comme une insulte.
  • Cela ralentit le processus de négociation car les parties attendent généralement que leur homologue devienne raisonnable avant de faire des propositions constructives.

Les réactions susmentionnées saperont la confiance, probablement pour les deux parties. Et la confiance est essentielle pour combler le fossé et obtenir des résultats gagnants-gagnants.

Que faire à la place ?

Lorsqu’une équipe de négociation estime que les positions de son homologue sont déraisonnables, cette situation doit immédiatement déclencher un processus de réflexion ou une séance de brainstorming :

  • Que penseriez-vous, ou défendriez-vous, si vous étiez à leur place ?
  • Dans quelles circonstances leur position serait-elle quand même raisonnable ? Cela peut vous ouvrir les yeux sur les contraintes réelles de votre homologue.
  • Votre camp a-t-il présenté une position que votre homologue pourrait juger déraisonnable ? Peut-être que cela a déclenché leur position déraisonnable ?
  • Quels sont leurs intérêts ?
  • Quelles options avez-vous pour ne pas insister sur cet écart et pour plutôt suivre une autre voie vers une solution ?
  • Quelle est votre BATNA (meilleure alternative à un accord négocié) ? Quelle est votre position de retrait ? Et comment leur position « dite déraisonnable » se compare-t-elle à votre BATNA/votre position de retrait ? Cela vous aidera à mesurer le degré de déraisonnabilité.
  • Quel pourrait être leur BATNA ? Cela justifie-t-il, d’une manière ou d’une autre, leur position ?

La collecte des réponses aux questions ci-dessus vous permettra de mieux comprendre la situation. Hé… votre homologue n’est peut-être pas si déraisonnable après tout… Dans environ 95% des cas, cela pourrait être votre conclusion.

Dans 5 % des cas, reconnaissez que l’autre partie est déraisonnable.

Tout à l’heure, nous avons parlé de stratégies de négociation agressives. Nous avons par exemple les stratégies suivantes :

  • “Bon flic / mauvais flic” où le “mauvais flic” a délibérément fait le choix d’être déraisonnable.
  • “Ancrage extrême”, lorsque l’offre initiale de votre contrepartie est déraisonnable, dans le but de vous faire accepter une offre ultérieure qui est encore mauvaise (mais meilleure).
  • “L’effet de levier excessif” d’une partie, qui détient des cartes très fortes et les exploite au maximum.

Les bons gourous de la négociation ne recommanderont à personne d’utiliser les stratégies ci-dessus. En outre, ils formeront les négociateurs à traiter les 5 % de cas concernés avec un questionnement stratégique, une empathie tactique, un pivotement vers des négociations basées sur les intérêts et, si aucune autre solution n’est disponible, à quitter la table des négociations.

Conclusions

Attendez un peu ! Chacun de nous a probablement dit, de temps en temps (ou même plus fréquemment) “l’autre partie est déraisonnable”. Alors, ne soyons pas sur la défensive. Ne commençons pas à argumenter que c’est la bonne chose à faire ! Au contraire, quels sont les points à retenir au cas où quelqu’un percevrait une contrepartie de négociation comme déraisonnable ?

  • Prenez l’habitude de NE PAS DÉCLARER que votre homologue est déraisonnable.
  • RECONNAISSEZ les 5 % de cas où votre contrepartie est effectivement déraisonnable. Et traitez ce problème avec les techniques de négociation appropriées.
  • Ne laissez pas les membres de votre équipe de négociation faire cette déclaration. Lorsqu’ils le feront, lancez un BRAINSTORMING au sein de l’équipe pour en rechercher les raisons sous-jacentes et les solutions possibles.

Pensez-vous que les recommandations ci-dessus sont la bonne chose à faire ?

  • Si oui, veuillez nous le faire savoir.
  • Sinon, partagez votre point de vue dans un commentaire ci-dessous.

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